Les signes de reconnaissance, nous en avons besoin pour vivre

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Privés de signes de reconnaissance, nous pouvons mourir.

Le terrorisme tue, la violence tue, mais l’indifférence peut, tout aussi bien, tuer.

Daniel vit seul au fin fond de la campagne, dans une masure digne d’une auge à cochon.

Il a 25 ans , il pourrait vivre heureux, entouré de ses chiens et de la nature qu’il aime tant. Pourtant, un soir d’hiver, il a voulu se suicider.  Il s’est retrouvé deux fois à l’hôpital, en moins de 10 jours.

Nous vivons à 2 kms l’un de l’autre. Je ne le voyais plus depuis très longtemps.

Quand j’ai appris ce qu’il avait fait,  je lui ai demandé ce qui s’était passé dans sa tête.  Il m’a répondu

Je suis seul,  je vis comme un chien,  je n’existe plus pour personne.

Il a une famille, mais ils l’ont tous rejeté, parce qu’il ne rentre pas dans le cadre. Il ne correspond pas à leurs attentes !

Il s’est drogué, il se bat régulièrement, il a eu à faire avec la police, puis à la justice… il est passible de prison.

D’accord, tout cela n’est pas très clair, mais est-ce une raison pour l’abandonner  ?

Au cours d’une soirée organisée par le comité des fêtes de ma commune,  j’ai rencontré sa tante, je lui ai fait part de mon inquiétude au sujet de Daniel, elle m’a répondu:

 

Il n’y a rien à faire , ce garçon est perdu , un de ces jours il va y rester, c’est certain !

Que répondre à ça ? Alerter les autorités ? Le reste de sa famille ? Je l’ai fait, mais je me sens impuissante devant un tel abandon affectif auquel il m’est impossible de répondre, du moins en totalité. Je ne comblerai jamais le vide laissé par une mère morte trop tôt dans son histoire et , en partie pour les même raison: l’abandon et le rejet de toute sa famille.
Nous avons tous besoin de signes de reconnaissance pour bien vivre

La reconnaissance de nos proches est une nourriture basique, une manne affective dont nous avons tous éprouvé la nécessité vitale.

Un homme exclue de son clan familial ou social peut en mourir.

Jadis, quand les souverains voulaient punir des criminels, il les bannissaient. Ils se retrouvaient alors, en exil,  hors des frontières de leur terre natale condamnés à ne jamais pu les revoir. Pour certains c’était pire que la mort.

Bien sûr,  certains s’exilent volontairement quand ils ne peuvent plus vivre dans leur pays pour des raisons, en général politique (1). D’une manière ou d’une autre,
Vivre en exil est une souffrance.

Comment continuer à exister en dehors du nid, ce « corps social » ou nous vivions, au chaud, entourés de nos familles, de nos amis ou de nos collègues de travail ?

Comment respirer en dehors de leurs souffles, de leurs voix, même si ces voix s’élèvent contre nous ?

Comment avoir seulement envie de trouver de nouveaux repères, une nouvelle sécurité, si je n’ai pas choisi cet exil ?
Les conflits sont préférables à l’indifférence.

L’indifférence, nous prive du regard de l’autre. Ce regard qui nous fait exister.

Comment savoir « Qui je suis » sans se « retour » que me donnent les autres ?

Les conflits nous donnent des stimulations et, même négatives, elles nous donnent , concrètement la sensation d’exister. En Anglais, signes de reconnaissance se traduit par  « strocke » qui signifie aussi bien « coup » que « caresse ».

Daniel cherche les coups, parce qu’il n’a pas suffisamment de caresses de la part de son entourage.

Nous avons tous besoin d’être aimé, mais, avant tout,
Nous avons besoin d’exister dans le regard des autres

Sans aller dans des exemples extrêmes, au quotidien, nous avons besoin d’être reconnu par nos pairs.

« Le bonjour » du matin, en est un.

  • Imaginez qu’un beau matin,  votre conjoint ou vos enfant ne vous disent pas « bonjour », que ressentiriez-vous ?
  • Imaginez qu’il se passe la même chose avec votre voisin, ou vos collègues de travail ?
  • Imaginez que plus personne ne vous salue, que se passerait-il pour vous ?

 

Je fais faire cet exercice dans mes formations.  Certains me répondent que ça les met en colère, d’autres vont se sentir tristes, d’autres encore, commencent à douter de leur existence :

« Que personne ne me disent bonjour , ça voudrait dire que je suis devenu invisible ! »

m’a répondu un jour un de mes stagiaires.

Le regard des autres, et de préférence bienveillant, participe à notre développement psycho-affectif et par, là même au développement de notre intelligence.
Les signes de reconnaissance nous rendent plus intelligents

A la suite de la 2nde guerre mondiale,  le Dr René Arpad Spitz (un suisse) a réalisé  une série de test auprès d’enfants, orphelins, en bas âge. Les uns avaient grandi au sein de famille d’accueil, les autres dans des institutions. Il s’est avéré que les enfants accueillis dans des familles d’adoption avaient un développement intellectuel bien supérieur à ceux qui avaient été juste « élevés » dans les orphelinats. Ces derniers avaient, entre autres, une santé précaire et pouvaient pour certains montrer des signes de perturbation psychique. On peut imaginer que, par la suite, leur comportement d’adulte en société s’en trouvait également modifié.

Il ne s’agit pas d’en tirer des généralités : « j’ai eu une famille,  je devrais donc être équilibré »

ou l’inverse, « J’ai été élevé à la DASS, donc je suis censé être sociopathe ! ». Ce n’est pas si simple !

Le fait est que notre comportement adulte , en matière relationnelle, va dépendre, en grande partie, du nombre de stimulations affectives que nous avons reçu au départ de la part de nos parents dès la petite enfance.
Une confiance à toute épreuve pour réaliser nos rêves

Les stimulations positives et négatives sont nécessaires pour baliser notre parcours de vie : la reconnaissance de notre entourage contribue à notre équilibre pour atteindre nos objectifs.

Les marques d’affections, les encouragements, les compliments, chaque fois qu’un enfant réussit quelque-chose, lui donnent, non seulement envie de continuer à créer,  mais renforcent également, la confiance en lui et contribue à son équilibre relationnel.

Plus tard, au travail, la reconnaissance de ses supérieurs lui permettra d’avancer dans sa vie professionnelle et continuera à le motiver. Quand aux avertissements négatifs ou même les sanctions, ils lui serviront de points de repère pour rectifier ses erreurs et progresser vers sa réussite personnelle.

Alors, je vous en prie, ne nous privons pas de « bonjour », de « sourires » ou de « merci » !

Et si vous croisez Daniel, regardez-le dans les yeux, sans le juger et, si vous osez le faire, dites-lui que vous l’aimez .

Claude Berthoumieux

Mars 2015
(1) d’après Wikipedia : « Parfois pour des raisons similaires de notoriété et de privilège élitaire, des intellectuels, artistes, écrivains, notables et leaders politiques ont été bannis par substitution à d’autres formes de sanctions pénales. Cependant, si la notion d’exilé évoque des célébrités dont les œuvres sont marquées par l’expérience de l’exil, cela tient davantage à la notoriété de ses œuvres qu’à la spécificité des situations personnelles de leurs auteurs qui, lors des guerres, persécutions, changements de régimes, sont alors logés à la même enseigne de l’exil que beaucoup d’autres compatriotes moins connus. La liste est interminable des exilés célèbres : Mahomet, François-René de Chateaubriand, Gustave Courbet, Fiodor Dostoïevski, Norbert Elias, Sigmund Freud, François Guizot, Victor Hugo, Ovide, Alexandre Soljenitsyne, Léon Trotsky, Émile Zola, Charles de Gaulle, etc. »

(2) René Arpad SPITZ
SPITZ, (l’hospitalisme) est un auteur en médecine, né à Vienne en 1887. A été analysé par Freud, il suit la théorie Freudienne, sa méthode est l’observation du nouveau né en situation avec ou sans sa mère.
Il étudie plusieurs cas d’enfant de culture et de situation socio-économique différente.
SPITZ développe la notion de l’hospitalisme, qui décrit l’ensemble de perturbations, somatiques et psychiques, consécutives aux carences affectives. Il a mené des recherches sur la dépression infantile (dépression anaclitique).
Il devient le rédacteur de la revue fondée par Anna Freud, il est à l’origine de la mise en place de l’hospitalisation mère enfant.

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